En informatique, il est souvent question de générer des nombres aléatoires, que ce soit pour des tirages au sort, des simulations numériques ou encore pour des questions de sécurité. Pourtant, si l’on se penche un peu plus sur la question, on se rend rapidement compte que l’aléatoire en informatique est un concept bien plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, l’aléatoire tel que nous le concevons intuitivement n’existe pas en informatique. Alors, comment les ordinateurs génèrent-ils des nombres aléatoires? Par quel méthode arrivent-ils à produire des données qui semblent être le fruit du hasard? C’est ce que nous allons découvrir ensemble.
L’aléatoire en informatique : un pseudo-hasard?
Nous avons tous, un jour où l’autre, utilisé une fonction de génération de nombres aléatoires sur un ordinateur ou une calculatrice. Nous avons constaté que les résultats obtenus étaient différents à chaque appel de cette fonction, ce qui nous a probablement amenés à conclure qu’ils étaient générés au hasard. Pourtant, en réalité, ces nombres ne sont pas réellement aléatoires.
En effet, les ordinateurs sont des machines déterministes, c’est-à-dire qu’ils exécutent des instructions de manière prévisible. Un même code exécuté plusieurs fois produira toujours le même résultat. Ils ne sont donc pas capables de produire des nombres réellement aléatoires, du moins pas sans une source extérieure d’aléatoire.
C’est là qu’interviennent les générateurs de nombres pseudo-aléatoires. Ces algorithmes sont capables de produire une séquence de nombres qui a l’apparence du hasard, mais qui est en réalité déterminée par une valeur initiale, appelée graine ou “seed”. Si on relance le générateur avec la même graine, on obtiendra exactement la même séquence de nombres.
Les générateurs de nombres pseudo-aléatoires : comment ça marche ?
Pour générer des nombres qui semblent aléatoires, les informaticiens ont donc recours à des générateurs de nombres pseudo-aléatoires. Ces générateurs utilisent des algorithmes bien précis pour produire une séquence de nombres qui semble être aléatoire.
Derrière ce pseudo-hasard se cache en réalité une formule mathématique qui prend en entrée une valeur initiale (la graine) et qui produit en sortie un nombre. Ce nombre est ensuite utilisé comme nouvelle graine pour la prochaine itération, et ainsi de suite.
En modifiant la graine de départ, on peut donc obtenir une séquence de nombres différente. C’est pour cela qu’il est souvent recommandé de modifier la graine entre chaque utilisation du générateur, par exemple en utilisant l’heure courante.
Les limites des nombres pseudo-aléatoires : le cas de John Von Neumann
En 1946, le mathématicien John Von Neumann a présenté une méthode pour générer des nombres aléatoires à partir d’une graine, appelée “méthode du carré moyen”. Cependant, bien que cette méthode semblait efficace, elle présentait une faille majeure : elle était prévisible.
En effet, Von Neumann lui-même a reconnu que sa méthode n’était pas parfaite et a déclaré : “Toute personne qui considère les méthodes arithmétiques de production de nombres aléatoires est, bien sûr, dans un état de péché”. Cette citation illustre bien le problème des nombres pseudo-aléatoires : ils ne sont pas vraiment aléatoires.
Cette prévisibilité peut poser de sérieux problèmes, en particulier dans le domaine de la sécurité informatique. Si un attaquant parvient à deviner la graine utilisée par le générateur, il pourra prédire tous les nombres qui seront générés par la suite. C’est pourquoi il est crucial de choisir une graine imprévisible, et de la changer régulièrement.
Vers une véritable génération aléatoire : l’informatique quantique
Mais alors, est-il possible de générer de véritables nombres aléatoires en informatique ? La réponse est oui, grâce à l’informatique quantique.
En effet, contrairement à l’informatique classique qui est basée sur des bits qui peuvent prendre deux valeurs (0 ou 1), l’informatique quantique est basée sur des qubits, qui peuvent prendre une infinité de valeurs grâce à la superposition quantique.
Cette propriété permet à l’informatique quantique de générer de véritables nombres aléatoires, puisqu’il est impossible de prédire avec certitude la valeur d’un qubit avant de l’avoir mesuré.
Cependant, l’informatique quantique en est encore à ses balbutiements, et il faudra sans doute encore de nombreuses années avant que nous puissions tous bénéficier de cette véritable génération aléatoire.
S’approcher de l’aléatoire véritable : les générateurs de nombres aléatoires basés sur des phénomènes physiques
Si le défi de générer de véritables nombres aléatoires sur un ordinateur déterministe semble insurmontable, il existe pourtant des solutions qui s’en rapprochent. Ces solutions se basent sur des phénomènes physiques imprévisibles pour générer leur graine, ce qui leur permet d’obtenir des nombres qui sont, pour toutes nos observations, véritablement aléatoires.
Ces générateurs, appelés RNG pour “Random Number Generators”, utilisent des phénomènes tels que le bruit radioactif, le mouvement brownien ou encore le bruit électrique pour générer leur graine. Ces phénomènes sont, à notre connaissance, parfaitement aléatoires, et ils permettent donc d’obtenir des nombres qui le sont tout autant.
Cependant, ces générateurs sont beaucoup plus complexes et coûteux à mettre en œuvre que les générateurs de nombres pseudo-aléatoires, et ils ne sont donc pas utilisés dans la plupart des applications courantes. Mais dans des domaines où la sécurité est primordiale, comme la cryptographie, ils sont souvent la seule option acceptable.
Conclusion : Le défi de l’aléatoire en informatique
Il apparaît donc que l’aléatoire en informatique est un concept bien plus complexe qu’il n’y paraît. Si les ordinateurs sont capables de générer des nombres qui semblent aléatoires grâce à des générateurs de nombres pseudo-aléatoires, ces nombres ne sont en réalité que le résultat d’une formule mathématique déterministe.
La véritable génération aléatoire reste donc un défi pour l’informatique, un défi qui pourrait être relevé grâce à l’informatique quantique. Mais en attendant, nous devons faire avec les outils dont nous disposons, et toujours garder à l’esprit que l’aléatoire en informatique n’est pas vraiment ce qu’il semble être.